Décryptage du Congrès de Versailles ; un Macron jupitérien ?
- Corentin S.
- 4 juil. 2017
- 4 min de lecture
Le Président Emmanuel Macron a pris la parole devant le Parlement convoqué en Congrès à Versailles ce lundi 3 juillet, à la veille du discours de politique générale d’Edouard Philippe attendu aujourd’hui, mardi 4 juillet. Ce discours qui arrive très rapidement après l’élection du Président surprend de par son aspect inédit. En effet, ce n’est que la troisième fois dans l’Histoire de la Vème République qu’un Président en exercice se rend à Versailles devant les députés, les sénateurs et les membres du Conseil Economique, Social et Environnemental. Nicolas Sarkozy avait rendu cela possible en 2008 afin de s’exprimer sur la crise financière qui toucha alors le pays, auparavant le Chef de l’Etat n’était pas autorisé à s’adresser directement aux élus, au nom de la séparation des pouvoirs. François Hollande s’adressa lui aussi au Parlement le 16 novembre 2015, au lendemain de l’attentat du Bataclan. Si Emmanuel Macron ne fait qu’appliquer la Constitution, pourquoi ce Congrès suscite-t-il la surprise chez les siens comme au sein des rangs de l’opposition ?

Emmanuel Macron l’a prouvé à de multiples reprises, il maîtrise les codes de la communication réussie. Ayant reçu une formation littéraire, il croit au pouvoir des mots. Il préfère raréfier sa parole (en supprimant notamment la traditionnelle interview du 14 juillet) pour donner du poids à ses interventions. Il souhaite apparaitre en président moderne, « cool », à l’image de Justin Trudeau au Canada ou encore Barack Obama aux Etats-Unis. La mise en scène de sa photo officielle le prouve, il ne laisse rien au hasard, le moindre détail compte. Ce Congrès (qui n’est pas sans rappeler le discours sur l’état de l’Union, tenu chaque année devant la Chambre des représentants et le Sénat par le président américain) permet donc à Emmanuel Macron de donner le cap au Parlement mais aussi d’imposer sa vision de la France. Beaucoup ont vu en cette initiative une manière d’imposer une forme d’hyperprésidence et d’écarter le Premier Ministre, relégué au second plan en tenant un discours redondant à celui d’Emmanuel Macron un jour plus tard. Le Président a souligné que ce n’était pas le cas au cours de sa prise de parole, l’intervention du Premier Ministre cet après-midi sera donc à suivre. Que faut-il retenir de cette longue allocution de plus d’une heure et quart ?
Costume soigné et sourire dosé, témoins d’une communication millimétrée

Emmanuel Macron devant le Congrès à Versailles
Le discours du Président débute par un hommage à Simone Veil, figure de la Vème République, disparue vendredi dernier. Emmanuel Macron fait ensuite l’éloge de la fonction de député en trouvant une origine commune à l’élection de tous les élus ; la volonté de servir le peuple. Selon lui, cela ne peut être possible que si le « déni de réalité » de certains partis qui s’opposent quelques soient les choix politiques du gouvernement laisse place à un réel débat publique, respectueux et constructif. Il fait ici sans aucun doute référence aux extrêmes et en particulier à la France Insoumise, qui appelle d’ores et déjà à s’opposer à la réforme du Code du Travail attendue pour la rentrée. Emmanuel Macron annonce également dès les premières minutes du discours la couleur des mois à venir, il faudra convaincre tous les Français. Son mandat sera celui de la transparence, il insiste sur le fait qu’il faudra légiférer moins pour légiférer mieux en s’assurant continuellement de la pertinence des lois à venir mais également de celles promulguées par le passé. Il évoque ensuite sa volonté de réduire l’effectif des trois assemblées d’un tiers, permettant au pouvoir législatif d’agir plus rapidement et plus efficacement. Le Congrès deviendra habitude puisqu’il aura lieu tous les ans permettant au Président Macron de « rendre des comptes aux Français ». Le Chef de l’Etat ouvre ensuite la porte à l’insertion « d’une dose de proportionnelle » dans les élections législatives ou encore la possibilité d’envisager des lois d’initiatives populaires dont il a été question durant la campagne présidentielle. Il annonce par la suite la levée de l’Etat d’urgence à l’automne qui selon lui n’est pas assez efficace et ne se justifie pas en tant que tel. Le Président évoque ensuite sa vision de la France et en particulier la place que doit occuper le pays sur la scène internationale. Il livre une vision optimiste dans un monde où certaines démocraties sont mises à mal. Il insiste finalement sur la nécessité d’une Europe forte et unie en laquelle il croit « fermement », le Brexit étant pour lui une forme d’abandon.
Les Français ont pu découvrir un Macron littéraire qui digresse pour s’octroyer des envolées lyriques spectaculaires. Les lieux et la manière de tenir ce discours concourent à offrir à Emmanuel Macron une majesté naturelle, ce que n’ont pas manqué de souligner certains élus France Insoumise criant au « coup de com’ ». La Présidence Macron est donc en certains points indéniablement traditionnelle et ancrée dans les codes de la Vème République mais en même temps radicalement novatrice.
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