Hambourg, ville sous pression en vue du G20
- Grégoire B.
- 6 juil. 2017
- 7 min de lecture
Lorsque l’on traverse le Köhlbrandbrücke, pont survolant une mer d’installations industrielles, il est difficile de croire que la ville de Hambourg est en pleine effervescence. La ville hanséatique est depuis des siècles la Porte sur le Monde de l’Allemagne. Elle se forme autour du troisième port le plus actif d’Europe et reste aujourd’hui l’une des métropoles du pays les plus dynamiques économiquement. L’Elbphilarmonie, très médiatisée, a ouvert ses portes cette année après des années de retard et compte désormais parmi les joyaux de la ville. Depuis quelques mois la ville devient cependant un peu plus farouche. En effet, elle va accueillir le 7 et le 8 juillet son premier G20, le troisième à avoir lieu en Allemagne. Les Hambourgeois vont voir leur ville devenir le théâtre de multiples enjeux de taille, internationaux tout comme locaux.

Après Berlin en 1999 et 2004, Hambourg est la deuxième ville allemande à avoir été sélectionnée pour accueillir un sommet du G20, à la demande d’Angela Merkel. « C’était le tour de l’Europe en 2017 » a précisé il y a quelques jours lors d’une conférence de presse Steffen Seibert, porte-parole du gouvernement fédéral. « Hambourg sera un hôte particulier » promet-il. Toujours selon lui, la ville de Hambourg aurait été choisie en raison de son statut de métropole, ouverte et internationale. De plus, la ville est très engagée comme le démontrent les projets d’évènements citoyens et d’ONG. « La société civile a une voix ».
Comme pour tout G20, les attentes sont grandes. Les chefs d’Etat et de gouvernement de vingt nations, représentant réunies deux tiers de la population mondiale et 80% du PIB mondial, se concertent à propos des grandes problématiques internationales de notre temps. Ils traiteront des questions économiques et financières, évoqueront les problématiques du changement climatique, la crise des réfugiés, les conflits en Syrie et en Ukraine, les combats contre l’Etat Islamique, la menace de la Corée du Nord, et à la demande d’Angela Merkel, la numérisation et la place de la Femme. Les membres de l’actuel G7, c’est-à-dire l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie, le Japon, le Canada et les Etats-Unis, rencontreront l’Argentine, l’Australie, le Brésil, la Chine, l’Inde, l’Indonésie, le Mexique, la Russie, l’Arabie-Saoudite, l’Afrique du Sud, la Corée du Sud la Turquie et les représentants de l’Union Européenne. L’Espagne, la Norvège, les Pays-Bas, Singapour et la Guinée bénéficient cette année d’un statut d’invités. Les figures controversées de Donald Trump, qui sera d’ailleurs escorté d’un staff composé de plus de 600 personnes, de Vladimir Poutin et de Recep Tayyip Erdogan sont attendues, tout comme Angela Merkel, Emmanuel Macron et Theresa May. Les chefs de grandes organisations internationales telles que l’ONU, le Fonds Monétaire International ou l’OECD se rendront au sommet.
Les enjeux sont tout aussi importants pour Hambourg. La ville peut espérer que des images de visites officielles de ses lieux les plus caractéristiques (Rathaus, Alster, Speicherstadt, Hafencity) pourront accroître sa popularité et stimuler le tourisme et les investissements. L’Elbphilarmonie, l’un des projets les plus ambitieux en Allemagne de cette décennie et qui a été l’objet de grandes controverses dans la ville hanséatique, devrait aussi profiter d’une importante médiatisation. Les chefs d’Etat du G20 sont d’ailleurs conviés à un concert entre ses murs. Selon un communiqué de la ville, 4800 journalistes en provenance de 65 pays se sont fait accrédités pour le sommet.
Les attentes sont aussi très grandes au niveau du dispositif de sécurité qu’un évènement d’une telle ampleur implique. La menace d’une attaque terroriste potentielle et les nombreuses manifestations enregistrées amplifient considérablement les exigences de la police de Hambourg. Les experts de la sécurité ne voient cependant pas la probabilité d’une attaque terroriste beaucoup augmentée, du fait que les évènements politiques n’ont pas encore l’objet d’actions terroristes. Les forces locales seront renforcées par des unités de tout le pays et par l’unité anti-terrorisme GSG 9. Environ 20 000 policiers seront investis dans la ville, 14 postes de contrôle ont été érigés, des cellules pour accueillir jusqu’à 400 manifestants et des espaces d’entretien pour les avocats sont mis en place. Des scandales ont déjà remis en cause la réputation des forces de police, comme celui touchant une unité en provenance de Berlin, à laquelle on aurait reproché un sévère manque au règlement. Des rapports sexuels, des festivités et la dégradation de biens au sein du groupe avaient été dénoncé par une unité de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Après le scandale de la caserne de Pfullendorf, cette nouvelle pourrait accroître la défiance des manifestants face aux forces de l’ordre à Hambourg.

Les sommets du G20 sont toujours l’occasion pour diverses organisations ou mouvements de manifester. 100 000 manifestants de toute l’Europe sont attendus pour se retrouver lors de plus de 30 rassemblements et marches les 7 et 8 juillet. Des mouvements de gauche, anti-mondialisation, de réfugiés, de lutte pour les droits de l’Homme ou religieux défileront dans les rues pour faire connaître [if gte vml 1]><v:shapetype id="_x0000_t75" coordsize="21600,21600" o:spt="75" o:preferrelative="t" path="m@4@5l@4@11@9@11@9@5xe" filled="f" stroked="f"> <v:stroke joinstyle="miter"></v:stroke> <v:formulas> <v:f eqn="if lineDrawn pixelLineWidth 0"></v:f> <v:f eqn="sum @0 1 0"></v:f> <v:f eqn="sum 0 0 @1"></v:f> <v:f eqn="prod @2 1 2"></v:f> <v:f eqn="prod @3 21600 pixelWidth"></v:f> <v:f eqn="prod @3 21600 pixelHeight"></v:f> <v:f eqn="sum @0 0 1"></v:f> <v:f eqn="prod @6 1 2"></v:f> <v:f eqn="prod @7 21600 pixelWidth"></v:f> <v:f eqn="sum @8 21600 0"></v:f> <v:f eqn="prod @7 21600 pixelHeight"></v:f> <v:f eqn="sum @10 21600 0"></v:f> </v:formulas> <v:path o:extrusionok="f" gradientshapeok="t" o:connecttype="rect"></v:path> <o:lock v:ext="edit" aspectratio="t"></o:lock> </v:shapetype><v:shape id="Image_x0020_2" o:spid="_x0000_s1026" type="#_x0000_t75" alt="https://weblogyhamburg.files.wordpress.com/2014/11/hamburg-kurden-demo-2.jpg" style='position:absolute;margin-left:.4pt;margin-top:0;width:277.5pt;height:208.15pt; z-index:251658240;visibility:visible;mso-wrap-style:square; mso-wrap-distance-left:9pt;mso-wrap-distance-top:0;mso-wrap-distance-right:9pt; mso-wrap-distance-bottom:0;mso-position-horizontal:absolute; mso-position-horizontal-relative:text;mso-position-vertical:absolute; mso-position-vertical-relative:text'> <v:imagedata src="file://localhost/Users/Tristan/Library/Group%20Containers/UBF8T346G9.Office/msoclip1/01/clip_image001.jpg" o:title="//weblogyhamburg.files.wordpress.com/2014/11/hamburg-kurden-demo-2.jpg"></v:imagedata> <w:wrap type="square"></w:wrap> </v:shape><![endif][if !vml][endif]leurs réclamations et idées. Les groupes sont plus ou moins pacifiques et la ville de Hambourg est déjà en conflit avec certains. Des activistes de gauche avaient l’ambition de dresser des tentes pour former un campement pour leurs partisans. Les administrations de la sécurité considèrent un tel camp comme point de départ pour des actions militantes et lieu de rassemblement pour extrémistes de gauche. A l’appui d’un jugement du tribunal constitutionnel fédéral, la ville a obtenu que seules des tentes abritant des discussions et animations pourront être dressées. Le 26 mars, le mouvement Smash G20 a incendié huit véhicules de la police, prétendant qu’ « en tant que protectrice de l’ordre établie, la police devait être attaquée de toute force ». Contrarié par la fermeture temporaire de l’ancien tunnel sous l’Elbe, par les détours des avions de la société aérienne Condor vers Hanovre et autres modifications logistiques en raison du sommet, l’initiative « Shutdown-Hamburg.org » promet des actions de masse contre la « logistique du Capital » le matin du 7 juillet. D’autres mouvements répètent depuis longtemps en vue du G20. On pouvait déjà lire en mai dans le centre-ville au bord de l’Alster sur des bannières « Global gerecht statt G20 » (Justice dans le monde à la place du G20). Les militants se préparent activement. Le réseau altermondialiste Attac organisait quant à lui pendant quatre jours dans son « Akademie » des formations pour 150 personnes. Au-delà des revendications altermondialistes ou anticapitalistes, les invités du G20 eux-mêmes seront l’objet de manifestations, comme celle contre le président Erdogan des partisans kurdes du parti PKK, organisation kurde et socialiste qui se bat pour l’autonomie de territoires kurdes en Turquie et qui commet de nombreuses attaques terroristes dirigées contre militaires et civils. Entre 5000 et 10 000 Kurdes sont attendus à Hambourg.
L’opposition conservatrice (CDU) au sein du Parlement de Hambourg, à majorité socialiste (SPD) se fait critique au sujet des manifestants. Le sénateur Andy Grote (CDU) déclare que le gouvernement devait « parler clairement des risques que posent les opposants militant contre le sommet et des dangers potentiels pour la ville, au lieu d’annoncer des pronostics météorologiques favorables ». Il avance que si une démocratie ne peut pas assurer de sécurité pendant un tel évènement, les pays totalitaires pourraient se voir confortés dans leur position, dans la mesure où une démocratie serait incapable de protéger ses citoyens. Ce discours peut faire référence au G8 à Gênes en 2001, une tragédie que Hambourg ne voudrait en aucun cas voir se reproduire chez elle. Le sommet en Italie avait donné lieu à de violents combats entre manifestants et policiers. Des barricades furent incendiées, un manifestant fut tué par balle par un policier et des centaines de personnes furent blessées. La police tira une quinzaine de fois sur la foule. A la suite des premières altercations et du meurtre, 300 000 personnes défilèrent dans les rues, par solidarité et pour protester contre le sommet la violence de la police. 700 groupes de protestation, syndicats, groupes religieux, mouvements antiracistes et groupes anarchistes, furent impliqués. De nombreux activistes furent encore incarcérés et violentés voire torturés par la police. De nombreux politiques et personnalités partagèrent leur tristesse et solidarité, comme Hans-Christian Ströbele (Die Grünen) qui compara les évènements à Gênes avec les dictatures sud-américaines. Le journal britannique The Guardian fit remarquer à cette occasion, que « quand l’Etat se sent menacé, le pouvoir des lois peut être écarté, partout ». La ville de Hambourg se trouve donc dans une situation délicate, car si la constitution garantit la liberté de se rassembler et de manifester, il faudra tout de même qu’elle veille à la sécurité des politiques et de la population.

A l’occasion du G20, les projecteurs sont dirigés vers un quartier particulier de Hambourg, Hambourg-Sternschanze dans la circonscription
de l’Altona, où l’extrême gauche (Die Linke) se partage le pouvoir avec les écologistes (Die Grünen) et les socialistes (SPD). Le palais des congrès où doivent se rencontrer les leaders du G20 se trouve à la limite de ce quartier en ébullition. Ce que l’on pourrait décrire comme un village folklorique s’organise autour d’un élément central, l’ancien Flora-Theater, aujourd’hui Rote Flora, centre autonome, institution culturelle et socio-politique auto-administrée et indépendante. La Rote Flora est depuis 1988 le symbole de la gauche radicale à Hambourg, point chaud politique. L’activité militante est d’autant plus importante à l’approche du sommet, que beaucoup voient comme un rassemblement de lobbyistes du monde de la finance, déconnecté des intérêts des citoyens. Sur une bannière pendue sur le Flora-Theater, on peut lire : « Capitalism will end anyway – you decide when ». Depuis quelques années, le quartier accueille de plus en plus d’écrivains, artistes et intellectuels, inspiré par l’esprit de résistance et de singularité qui y règne. Les habitants craignent la menace de gentrification et sont agacés par les jeunes qui ne les visitent que pour s’amuser le week-end à l’écart de l’autorité.
Le Rote Flora
L’atmosphère semble assez étouffante à Hambourg qui prépare l’un des évènements politiques les plus importants de l’année, qui doit répondre à de nombreuses problématiques internationales. Il faut espérer que cette réunion des leaders des plus grandes puissances de ce monde sera plus productive que le G7 à Taormine en Sicile. Bien qu’en arrière-plan, la ville de Hambourg est sous pression et espère ne pas être le théâtre d’une tragédie et bénéficier un maximum de la médiatisation de l’évènement pour faire rayonner son image de ville moderne et ouverte, même si cette ouverture un peu trop grande à l’occasion du G20 peut effaroucher la Porte sur le Monde de l’Allemagne.
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