Négociations de l'UE et du Japon pour un traité de libre-échange à l'heure du G20
- Grégoire B.
- 9 juil. 2017
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Après le projet toujours en négociation d’un partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) avec les Etats-Unis et l’échec d’un accord économique et commercial global (CETA) avec le Canada, l’Union Européenne s’apprête à signer un accord bilatéral avec le gouvernement japonais pour approfondir leurs échanges commerciaux. Les négociations concernent plus de 630 millions de consommateurs et un tiers de l’activité économique globale. Alors que les idées et mesures protectionnistes gagnent du terrain, l’Union Européenne élabore l’un des plus importants traités de libre-échange. De nombreuses critiques cependant mettent en doute la pertinence de ce projet.

Les autorités japonaises et européennes négocient depuis près de quatre ans la signature d’un traité de libre-échange bilatéral. L’accord en question, connu sous la désignation JEFTA, devrait être signé au cours de l’automne prochain et entrer en vigueur en 2019. Il pourrait augmenter les exportations de l’UE vers le Japon de 20 à 30%. Les exportations d’aliments de provenance européenne devraient augmenter de 180%, correspondant à plus de 10 milliards d’euros. Après une rencontre récente à Bruxelles entre la commissaire européenne Cecilia Malmström et le ministre de l’extérieur japonais Fumio Kishida, une entente politique avait été annoncée. Les dernières divergences auraient été écartées. Il a été depuis conseillé au chef d’Etat japonais Shinzo Abe, au président du Conseil Européen Donald Tusk et au chef de la Commission Jean-Claude Junker de confirmer le traité durant le sommet Japon-EU jeudi dernier.
Un peu avant le sommet du G20 à Hambourg, l’accord politique est considéré comme symbole contre les tendances protectionnistes qui se font plus fortes, comme celles qu’impulsent Donald Trump et qui isolent sa nation. Ce dernier avait encore révoqué le traité de libre-échange transpacifique (TPP) auquel le Japon est rattaché. Il veut tout autant négocier à nouveau l’accord NAFTA avec le Canada et le Mexique. Les représentants de l’Union Européenne et le Japon choisissent la politique inverse. La chancelière Angela Merkel, alors qu’elle s’exprimait sur les relations commerciales de l’Allemagne avec Singapour, soulignait qu’une société ouverte et des courants commerciaux ouverts étaient nécessaires.
Le traité de libre-échange doit progressivement abroger les droits de douane et permettre aux entreprises japonaises et européennes exportant d'économiser plus d'un milliard d'euros . Des normes, des régulations, des barrières commerciales non-tarifaires (Non-tariff barriers to trade, NTBs, mesure protectionniste prenant la forme entre autres de quotas d’importation, limitations d’exportation volontaire, clauses Local Content) seront peu à peu affaiblies. Le marché japonais doit s’ouvrir par exemple aux produits d’alimentation européens tels que le fromage, contre quoi les voitures japonaises pourront être vendues en Europe sans contraintes financières ou régulatrices.
Comme cela était le cas pour le TTIP ou le CETA, des associations de protection de la nature, de défense du consommateur et des syndicaux critiquent le manque de transparence des discussions concernant le JEFTA. Greenpeace a rendu public près de 200 documents de négociation à travers ses « JEFTA Leaks », à l’appui desquels il est reproché à l’accord un manque de considération envers le développement durable, les droits des travailleurs et la protection de l’environnement. Selon Greenpeace et d’autres associations, le traité rendrait plus difficile l’application des résolutions de l’accord de Paris sur le climat pour l’EU et le Japon. Les militants craignent pour les forêts d’Europe, qui pourraient rapidement disparaître sous la demande considérable en bois du Japon, quatrième importateur de bois. Du bois en provenance des Carpates en Roumanie est déjà exporté de manière illégale. Associations et syndicats dénoncent également une protection des investisseurs injustes, accusation qui avait aussi été faite pour le TTIP. Ils craignent que des entreprises profitent de tribunaux non-démocratiques et illégitimes pour contourner des lois contraignantes. La Commission européenne dit avoir abandonné le système de médiation entre Etat et investisseurs également prédestiné au TTIP. Une juridiction internationale des affaires d’un nouveau genre, qui avait aussi été pensée pour le CETA, devrait être établie et serait soumise à un control public, afin que les citoyens puissent faire confiance à des jugements justes et impartiaux. Cette mesure ne réduit pas les craintes et les oppositions restent fortes. Alors que le protectionnisme apparaît plus fort et que l’UE n’est parvenue à aucune signature pour un traité de libre-échange similaire, le gouvernement japonais et les autorités européennes parviendront-ils à conclure un accord d’une telle ampleur ?
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