top of page

Aurais-tu été un manifestant violent à Hambourg ?

  • Grégoire B.
  • 12 juil. 2017
  • 3 min de lecture

Les manifestations à Hambourg lors du G20 la semaine dernière ont donné cours à des vagues de violence aux proportions impressionnantes et plutôt inattendues. De très nombreuses voitures ont été brûlées dans les rues de la ville hanséatique, les vitrines de commerces ont été brisées, des magasins pillés, des infractions ont été commises dans beaucoup d’habitations, des pans entiers de pavés ont été soulevés et dans tous les quartiers de la ville des façades ont été détériorées. Sans compter les centaines de policiers blessés. Des centaines de militants pris dans le feu de l’action ont dû être incarcérés par les forces de police débordées, repoussant violemment les groupes d’extrême gauche, parfois par de puissants jets d’eau. Comment un tel sommet de violence a-t-il pu être atteint à Hambourg ? Ces événements sont l’occasion de s’interroger sur les dynamiques de violence dans les manifestations.

Le philosophe allemand Freud pense que l’Homme peut être animé par une forte tendance à l’agression, que la violence lui est innée. Cet article ne lui donnera ni raison ni tort, car il ne s’oriente pas vers une analyse scientifique ou philosophique de l’agressivité humaine, mais est consacré à la naissance de violence au cours de manifestations. Que motive l’apparition de violences parmi des protestataires ?


Dans le cas de Hambourg, il faut évoquer le « Bloc noir » (« Schwarzer Block », désignation apparue en 1981 dans un jugement du procureur de Francfort). Il ne s’agit ni d’un groupe ni d’une formation, mais d’une tactique de démonstration qui a ses origines dans le mouvement anti-nucléaire et les protestations contre la construction de la piste de décollage Ouest de l’aéroport de Francfort. Les policiers allemands sont familiarisés avec ce phénomène. La tactique consiste entre autres à protéger son identité. Les manifestants s’habillent en noir et portent cagoules, bonnets ou casques. Ils opèrent de manière décentralisée. La stratégie du « Bloc noir » comporte plusieurs éléments incitant les manifestants à la violence.


Dans un entretien avec le Zeit, le sociologue Nils Zurawski, travaillant à l’Institut de recherche sociale criminologique de Hambourg, explique que les manifestants qui dès le début recherchent de la violence se préparent préalablement. Ils se motivent mentalement, s’excitent, s’habillent en noir, se masquent. C’est un rituel qui se rapproche de celui du sportif un peu avant sa compétition. La professeure de psychologie Sociale à l’Université de Potsdam Barbara Krahé distingue deux processus centraux qui doivent être en jeu pour que la violence éclate. Premièrement, il faut qu’il y ait séparation nette entre le « nous » et « les autres ». Les manifestants, tout comme les policiers, s’identifient comme groupes fermés. Deuxièmement, l’anonymat joue un rôle essentiel. Dans de grands groupes, le sentiment de soi-même change, l’identité peut se transformer. La personne impliquée peut se désorienter des normes comportementales qu’elle connait pour acquérir celles du groupe. La violence est contagieuse. On devient irrationnel dans la foule et réceptif aux incitations à la violence. « Gelegenheit macht Diebe » dit un proverbe populaire allemand que l’on peut traduire par « l’occasion fait le voleur ». Chacun peut devenir acteur de la violence. C’est particulièrement le cas lorsque des images d’ennemis dans le groupe opposé sont perçues. La police peut apparaître soudainement comme un opposant, si le manifestant observe des altercations violentes, notamment avec des personnes moins impliquées. Barbara Krahé compte parmi les facteurs de la violence également une dynamique entre les groupes, un enchaînement de provocations s’alternant. Par exemple, si les militants lancent des pierres, les policiers répliquent et s’ils le font avec des jets d’eau comme à Hambourg, les manifestants deviennent encore plus violents. Il existe cependant aussi une dynamique à l’intérieur du groupe. Les membres du groupe manifestant observent les actes de violence de leurs congénères. Si l’un lance une grosse pierre, le prochain en lancera une plus grosse encore. Ce sont des procès d’apprentissage et d’orientation au sein du propre groupe, comme les appelle Barbara Krahé.


Alors que faire pour limiter les débordements de violence issus des manifestations ? Le sociologue Nils Zurawski pense qu’il faut rendre clair que le groupe opposé est composé d’individus et non d’anonymes endossant un rôle uniforme. Il faut montrer aux manifestants que les policiers peuvent être père de famille et avoir des enfants chez lui.

Comments


Autres articles qui pourraient vous plaire:
bottom of page