top of page

Après-séance : The Circle

  • Susie G.
  • 19 juil. 2017
  • 5 min de lecture

The Circle, un film de James Ponsoldt entre thriller et drame


Synopsis : Dans un futur plus proche que nous le voudrions, Mae Holland (Emma Watson) se voit embauchée par le groupe créateur de nouvelles technologies et de médias sociaux le plus puissant au monde géré par Eamon Bailey (Tom Hanks) : the Circle. Un job rêvé auquel elle prendra vite goût, donnant peu à peu de plus en plus de son temps, puis de plus en plus d’elle-même, puis de ses proches, à l’entreprise lors d’une expérience inédite qui défie les lois de la vie privée, de l’éthique, et plus généralement des droits de l’individu dans notre société. Le principe? Knowing is good. Knowing everything is better.


Une histoire inspirée de la réalité présente, qui tire la sonnette d’alarme face au stockage sans vergogne de nos données personnelles par certains médias.

Disons-le clairement, le futur dans lequel est censée se dérouler l’action est légèrement dépassé par la modernité de notre présent. La grande collecte de données a déjà commencé, et des atteintes à la vie privée ont déjà été perpétrées, sans même que l’on s’en rende tout à fait compte. Vous pensez peut-être que c’est une vision bien manichéenne et carrément hyperbolique de la chose ? Prenons simplement pour exemple la nouvelle mise à jour de Snapchat, qui permet de voir où nos amis se trouvent sur une carte. Snapchat sait où vous avez passé le week-end dernier, et par la même occasion, vos amis, de même que ceux qui le sont un peu moins, le savent aussi. Ne serait-ce pas un tant soit peu intrusif comme méthode ? The Circle, c’est l’incarnation de tous ces médias qui prônent une transparence totale avec les meilleurs prétextes du monde (œuvrer pour la démocratie, pour notre sécurité, nous garantir des services dont la qualité devient toujours meilleure…) mais servant un objectif plus obscur, dans la mesure où nous n’avons aucune idée de ce qu’il advient réellement de nos données, une fois stockées.

Autre point qui ancre le film dans la réalité présente : le titre même, The Circle, le cercle. Et devinez quoi ? Le deuxième campus d’Apple, Apple Park, qui vient d’ouvrir à Copertino city en Californie, eh bien… C’est un gigantesque cercle, comme vous pouvez le voir sur la photo ci-contre :


Coïncidence ? Nous vous laisserons juger par vous-même !


Vers un totalitarisme technologique ?

Mae se retrouve embrigadée plus qu’embauchée dans ce groupe qui vient d’abolir l’anonymat et d’unifier tous les services du Net grâce à son programme TruYou. Elle se prend au jeu, devient la marionnette de Eamon Bailey, puis le dépasse dans sa soif de transparence et de connaissance tant elle a été formatée à cette façon de penser. Du début à la fin du film, elle est persuadée de bien faire, d’aller dans la bonne direction, mais au fur et à mesure qu’elle gagne en responsabilités et en contacts superficiels au sein de la communauté du Circle, elle perd son intimité, et le rapport privilégié, sans filtre ni écrans interposés, qu’elle entretenait avec ses parents et Mercer, son ami d’enfance. La transparence totale devient synonyme de démocratie, la vie privée de secret, le secret de mensonge. Cette quête de lumière sur ce que l’on tient secret, caché dans l’ombre, se hisse au rang d’obsession. La fin du roman de Dave Eggers dont est adapté le film est même plus poussée que celle de ce dernier, puisque Annie, la seule amie proche et véritable de Mae dans le campus, git sur un lit d’hôpital, dans le coma, et le conditionnement de Mae est alors clairement perceptible : elle ne peut se retenir de vouloir connaître la moindre de ses pensées. « They needed to talk about Annie, the thoughts she was thinking. Why shouldn’t they know them? The world deserved nothing less and would not wait. » sont les derniers mots du livre. Après la fin du droit à la vie privée, c’est la liberté d’opinion qui est sur le point d’être bafouée. Inquiétant, non ?


Petit rappel de nos droits, au cas où les génies de la technologie les auraient oubliés :

Voici ce que nous dit la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (1789) sur la liberté d’opinion :

Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi.


Le droit à la vie privée est garanti par la Déclaration universelle des droits de l’Homme des Nations Unies (1948) :

Art. 12. Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.


Ceci étant dit, revenons à nos moutons : ce que nous avons pensé du film

Plus proche du drame que du thriller, The Circle de James Ponsoldt nous transmet néanmoins ce sentiment de nous retrouver en plein Berlin Est à l’apogée de la Stasi dès que l’on sort de la salle de cinéma, cette impression d’être scruté, analysé, puis archivé. Nous parlerons donc d’un effet de « thriller à retardement », puisque le film en lui-même nous montre surtout une Mae tout à fait convaincue qu’elle accomplit de grandes et belles choses, mais dont le cocon familial et amical est brisé, écrasé par la communauté The Circle. N’y allez donc pas chercher le grand frisson, mais nul besoin d’apporter 46 paquets de mouchoirs en papier non plus ! N’oublions pas que ce film vise à faire réagir, et réfléchir, sur le comportement de Google - par exemple, et mène conséquemment à un état de révulsion plus que de dépression. C’est tout à son honneur, et il y arrive plutôt bien : même s’il n’est jamais dit explicitement « Méfiez-vous, Big Brother 2024 is watching you ! » c’est exactement ce que le spectateur, révolté, se dit pendant et à la fin du film. L’histoire en elle-même n’apporte pas beaucoup plus que The Social Network de David Fincher sorti en 2010 (« Un film sur la création de Facebook, nul n'en rêvait. Surprise : The Social Network est une sorte de tragédie grecque au temps du pixel roi », source : Télérama) mais le montage est intéressant dans sa façon de mettre en exergue la rapidité d’une part permise par la technologie, d’autre part propre à la technologie elle-même, tant elle change, s’adapte, et se recrée promptement. Un film à visualiser pour comprendre la philosophie de certains médias, et surtout, recevoir une belle prise de conscience sur les procédés qu’ils emploient pour la mettre en place ! (Et puis, entre nous, un film avec Emma Watson et Tom Hanks, ça ne peut qu’être bien ;)

Comments


Autres articles qui pourraient vous plaire:
bottom of page