Voyage au bout de la nuit : roman engagé ou fable grotesque ?
- Mathilde H
- 22 juil. 2017
- 2 min de lecture

Il aura fait couler beaucoup de sang et d'encre lors de sa parution, nous parlons bien évidemment de Voyage au bout de la nuit, écrit par Louis Ferdinand Destouches, dit Céline.
Rapide résumé de l’action
Sorti en 1932, il raconte l’aventure d’un jeune étudiant en médecine, Ferdinand Bardamu, qui décide de s’engager sur un coup de tête dans l’armée française et va assister à la première guerre mondiale et ses horreurs. S’ensuit une confrontation permanente face à l'absurdité du monde aux quatre coins du globe.
Une réception pour le moins controversée
Sa parution aura fait polémique, notamment à cause du style très avant-gardiste et de l’utilisation d’un langage très cru à la limite du vulgaire. La société est partagée face au roman ; André Rousseau écrira : “Pour les uns, ce livre est une ordure ; pour les autres, une œuvre de génie”.
Le débat est en grande partie lié à la dénonciation de la société moderne, que les contemporains de Céline s'obstinent à trouver bonne. En effet, l’auteur émet dès les premières lignes un jugement contre la guerre, dénonçant par la même occasion le patriotisme d’une société aveuglée. Il s’adonne quelques pages plus loin à une critique du colonialisme, suivie de celle du capitalisme pour finir sur une charmante énumération des ravages de la société moderne chez les ouvriers.
Mais peut-on réellement parler d'un roman engagé ?
Prenons comme exemple le passage dédié au colonialisme. Céline emploie un vocabulaire véhément, en témoigne le groupe nominal “le commerce conquérant”. Néanmoins, l’auteur se plaît à ridiculiser la totalité des personnages, mettant notamment les Noirs en scène d’une manière grotesque. Cependant, toute interprétation reste possible, et certains n’y verront qu’un moyen pour choquer et émouvoir le lecteur face à ce commerce.
Prenons un autre exemple, lorsque Bardamu exerce sa profession de médecin dans une banlieue ouvrière. Alors qu’il semble s’apitoyer sur la misère des conditions de vie, Céline déploie, là encore, une description scurrile qui n’est plus de nature raciste, mais misogyne. On retiendra notamment cette phrase ô combien significative : “Les hommes, ça les rend méditatifs de se sentir devant l’eau qui passe. Ils urinent avec un sentiment d’éternité, comme des marins. Les femmes, ça ne médite jamais.“. Si l’on retraduit, il est très clairement sous-entendu ici que les hommes ne sont déjà pas terribles, mais que les femmes sont encore pires. Si c’est un roman engagé, il ne l’est certainement pas pour les droits des femmes !
Qu’en penser ?
Toute cette analyse ne nous permet malheureusement pas de répondre à notre problématique. Si l’on s’en réfère aux autres écrits de l’auteur, Céline s’est avéré être un collaborateur de Pétain et aura notamment écrit des pamphlets antisémites. Mais il a également permis de sauver la vie de centaines de femmes enceintes en développant la théorie hygiéniste de Semmelweis. Un homme au parcours antithétique, de la science aux lettres, de l’antisémitisme à sa brillante thèse de doctorat en médecine…
Mais alors, que penser ? Un seul conseil, lisez ! Faites-vous votre propre opinion sur l’œuvre, vous aurez ensuite la liberté de la nommer “chef d’œuvre” ou alors de la surnommer “Voyage au bout de l’ennui”.
Bonnes lectures d’été !
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